Commandant Charles CLEMMER (1825-1870)


D'une famille de seize enfants, Charles Louis CLEMMER est né à Méteren le 15 novembre 1825. Ses parents, Pierre-Jean CLEMMER et Marie-Jeanne VERMEERSCH sont fermiers au lieu dit "La Fontaine", près de l'ancien cabaret du même nom en haut de la rue.
La fortune ne leur sourit pas et ils vendent bestiaux et récoltes pour créer au village un transport de marchandises, face à l'ancien cimetière, contour de l'église, puis à l'angle de la Rue Nationale et de la Rue du Mont des Cats. 


Charles Louis fréquente l'école communale où il a pour maître Philippe BOONE. À sa sortie de l'école, il est apprenti maçon. A ses moments de loisirs, il lit beaucoup, surtout des livres d'histoire et de géographie. Il reprend aussi des études le soir à Bailleul avec le vieux maître SCHEERCOUSSE.
A 16 ans, il quitte ses parents pour chercher du travail à Lille où il trouve un emploi de coupeur de papier dans une imprimerie, puis de rattacheur dans une filature du Faubourg de Wazemmes où il devient par la suite garçon de bureau.
C'est là qu'il murit sa décision d'embrasser la carrière militaire le 15 juin 1844.
Au cours de ses vingt années de présence aux armées, il va franchir tous les échelons de la hiérarchie militaire.

Sa carrière militaire :
Il est incorporé au 26e R.I. à la caserne de la Courtine à Paris. Il y franchira le premier degré de caporal le 6 janvier 1845.
Le 14 juin 1846 il part pour l'Algérie dans les compagnies de discipline, chez les "camisards". Il y montre qu'il a de la poigne, de l'autorité et de l'énergie. La France es présente en Algérie depuis 1830, mais la situation est loin d'être maîtrisée.
Charles CLEMMER est en garnison à Dellys, en bord de mer entre Alger et Bougie. En 1847 il est affecté à la pacification de la Kabylie et à la conquête, sans cesse remise en cause, des routes Bougie-Alger et Bougie-Sétif. Les accrochages sont nombreux : en 1847 nos armées compteront 4430 morts et 9745 en 1848.
Il est nommé sergent-fourrier (vivres-logement-matériel) le 17 avril 1847, sergent le 10 février 1848, sergent-major le 1er juillet 1848. Le 5 mars 1852 il est nommé sous-lieutenant au Bataillon de Tirailleurs d'Oran à Mostaganem. Le 9 mars 1854 il est muté au Régiment de Tirailleurs Algériens (les "turcos") avec lesquels il part en Crimée.

1854 - Guerre de Crimée :
On appelle guerre de Crimée le conflit qui opposa en 1854-55, la France, la Grande-Bretagne, la Turquie et le Piémont à la Russie. Illustré par les batailles de l'Alma et de Sébastopol, il se termina par la défaite de la Russie, consacrée par le traité de Paris de 1856.
Le corps expéditionnaire débarque en Crimée le 14 septembre 1854 sous le commandement du maréchal de Saint-Arnaud et obtient un premier résultat décisif contre les Russes à la bataille de l'Alma dès le 20 septembre 1854. Cette victoire ouvre la route de Sébastopol où les alliés avaient décidés d'assiéger les troupes russes. Ce fut un siège unique dans l'histoire moderne par sa durée : octobre 1854 à septembre 1855.
Les "turcos" de Charles CLEMMER se distinguent notamment à la bataille d'Inkermann (5 novembre 1854) où ils chargent les Russes à la baïonnette pour sortir leurs alliés britanniques d'une situation désespérée. Après un hiver des plus rigoureux durant lequel les turcos souffrent du froid sous leur tente, ils reprennent leur poussée sur Sébastopol emportant un à un les ouvrages avancés et le 16 août 1855 ils participent à la bataille du pont de Trafkir qui voit la défaite définitive des troupes russes extérieures à Sébastopol. Un dernier assaut contre la citadelle a lieu le 8 septembre 1855. Sébastopol capitule.
Charles CLEMMER qui s'est distingué par sa bravoure durant ces combats, voit sa carrière s'accélérer. Il est successivement promu lieutenant le 24 mars 1855 et capitaine le 29 juin 1855 après 3 mois seulement.

Retour en Algérie (1856-1858) :
Le 26 octobre 1855 il embarque pour l'Algérie et gagne Constantine avec le 3ᵉ régiment de Tirailleurs Algériens (R.T.A.) en passant par Constantinople et Galipoli. En février 1856 il est à Blida et en mars à Sétif. Il est de nouveau affecté à des opérations de consolidation de la présence française sur un terrain qu'il connaît bien.
Au cours de l'été 1858 il est en permission à Méteren. À son retour à Alger en décembre, il repart en expédition dans le sud algérois.

Guerre d'Italie (1859) :
L'Autriche, qui occupait la Vénétie et la Lombardie depuis le traité de 1815, envahie le Piémont. En avril 1859, l'armée française franchit les Alpes et une partie s'embarqua à Toulon pour Gênes, avec Napoléon III. Charles CLEMMER est à nouveau de l'expédition avec ses turcos, au départ de Toulon. Il débarque à Gênes et est expédié en Lombardie contre les Autrichiens.

Nouveau court séjour en Algérie (1859-1861) :
Il est rappelé à Alger en mai 1859 pour y exercer des fonctions de trésorier, car il a aussi acquis des connaissances dans le domaine administratif où il est reconnu pour sens de l'organisation et sa rigueur. Le 7 août 1859 il est fait chevalier de la Légion d'Honneur. Le 25 octobre de la même année, il perd son frère Auguste, sergent, engagé lui aussi, atteint du choléra au Maroc.

Expédition de Cochinchine (1861-1864) :
Charles CLEMMER embarque pour la province de Saïgon le 15 août 1861. Le pays, conquis en partie depuis 1857, est en proie à une rébellion menée par les "Annamites" de Tu-Duc, empereur d'Annam (1848-1883). Ses persécutions contre les missionnaires catholiques furent le prétexte de l'intervention de la France en Cochinchine (1861-1867), puis de l'expédition du Tonkin.
Située dans le delta du Mékong aux bras innombrables, la région est connue pour son climat meurtrier. Nos compagnies de soldats sont réparties en divers points du territoire qu'elles aménagent en autant de sites défensifs d'où elles rayonnent pour traquer les rebelles. Une tâche particulièrement ingrate dans un pays inhospitalier. Après trois ans passés en Cochinchine, Charles bénéficie d'une longue permission et quitte Saïgon le 12 juillet 1864. Il rencontre le peintre De Coninck à Paris et passe la fin d'année dans sa famille à Méteren.

La campagne du Mexique (1865-1867) :
La république du Mexique était en révolution, les commerçants étrangers étaient maltraités. La France, l'Angleterre et l'Espagne exigèrent que leurs commerçants fussent payés des dommages qu'on leur avait causés. Les Mexicains offrirent une indemnité. L'Angleterre et l'Espagne s'en contentèrent, par la France. La guerre du Mexique commença.

Portrait commandant CLEMMER


On s'aperçut par la suite que le véritable but de l'expédition était de fonder au Mexique un gouvernement monarchique, un empire au profit d'un prince autrichien, l'archiduc Maximilien qui fut proclamé en 1864 sous la protection de nos groupes. Nos régiments étaient obligés de sillonner le vaste territoire du Mexique pour faire reconnaître son autorité. C'est dans ce contexte que Charles CLEMMER s'embarque pour le Mexique en septembre 1865.

Il avait au préalable effectué un court séjour en Algérie de janvier à juin 1865. Le 17 juin 1865 il est nommé commandant chef de bataillon au 14e R.I. à Paris, puis passe au Régiment Étranger avec lequel il s'embarque pour le Mexique sous les ordres du général Douai.

À la tête d'une colonne il pénètre à l'intérieur du Mexique d'où il harcèle les bandes d'insoumis puis il se retranche à Matehuala d'où il rayonne. En novembre 1866 son régiment est à Queretaro où l'empereur Maximilien sera fait prisonnier et fusillé en juin 1867.

Le 1er février 1867 il est élevé au grade d'officier de la Légion d'Honneur. Il quitte le Mexique le 25 février 1867.

Retour en Algérie et mariage 1867-1869 :
Le 30 mars 1867 il est de retour en Algérie où il prend le commandement du bataillon de tirailleurs algériens.
Début octobre 1867 il est à Bailleul où il épouse Mathilde Coralie Charlotte RUYSSEN. Le couple embarque pour Constantine le 8 octobre 1867 et mène une vie errante entre Constantine, Sétif, Batna et Biskra.
Ils sont de retour à Paris en avril 1869. Le Commandant est le chef de la garde aux Tuileries et il dîne à la table du couple impérial.

La mort glorieuse (1870) :
Charles est de nouveau de retour en Algérie le 31 mai 1870. Sa femme reste à Paris, en principe jusqu'au 15 août, mais ils ne se reverront plus car la guerre est déclarée à la Prusse le 19 juillet 1870. Les tirailleurs embarqués à Constantine sont dirigés en Alsace. Ils sont incorporés dans le 1er corps de l'armée du Rhin, commandé par MAC-MAHON.

Les premiers engagements des Turcos ont lieu le 4 août à Wissembourg où ils livrent des combats retardateurs meurtriers devant une armée prussienne très supérieure en nombre et en armement. Les régiments algériens montent à l'assaut des hauteurs, font des prodiges, mais sont submergés dans un combat inégal. L'héroïsme des soldats arabes tués, blessés ou faits prisonniers, en ces journées de Wissembourg et de Woerth, sauva, au  prix de lourdes pertes, le gros de l'armée française qui put se replier. L'armée française, battue le 4 à Wissembourg, est refoulée de Woerth par l'armée du Prince Royal de Prusse. Le 6 août, c'est Froeschwiller et Reichshoffen. Pour couvrir sa retraite MAC-MAHON sacrifie ses dernières troupes de réserve. Alors apparurent à nouveau les tirailleurs algériens. Ils avaient combattu l'avant-veille toute la journée à Wissembourg. Ils étaient 1700. Déployés en ligne, comme à la parade, sans tirer un coup de feu, criant d'une seule voix : "A la baïonnette !", ils s'élancèrent. En quelques minutes, ils reprennent les pièces perdues, le village d'Elsasshasen et toujours courant, poursuivent les Allemands jusqu'à la lisière de la forêt. Là, contre un ennemi bien à couvert, leurs charges, trois fois renouvelées furent vaines. Quand les tirailleurs, décimés par la mitraille, se retirèrent, ils laissèrent sur le terrain 800 hommes, la moitié de leur effectif. La charge des tirailleurs, à la résistance acharnée de quelques débris de régiments, permirent la retraite sur Reichshoffen.

Le Commandant CLEMMER est au nombre des morts glorieux du 6 août, tué d'une balle lors de la troisième charge des héroïques turcos. Il est tombé non loin du pont de Bruche-Muhle sur la Sauer, entre Eberbach et la forêt de Niederwald, au cours du combat appelé "bataille de Froeschwiller".
Les trois régiments turcos ont vu ce jour-là 90 % de leurs officiers et sous-officiers mis hors de combat. Ceux-ci étaient en effet les premiers visés par les tireurs ennemis.

Le 2 avril 1873, le Conseil Municipal de Méteren autorise le Maire (Edouard LEURS) à concéder gratuitement et à perpétuité à son épouse, deux mètres carrés du cimetière de Méteren pour y élever un cénotaphe(*) à la mémoire de Charles Louis CLEMMER. Il fut détruit en avril 1918. Le buste en bronze, retrouvé dans les ruines du cimetière, se trouve actuellement en mairie de Méteren. Les époux CLEMMER sont décédés sans postérité.

* cénotaphe : tombeau monumental érigé à la mémoire d'un mort, mais qui ne renferme pas son corps.

Commandant CLEMMER plaque